Paru dans le magazine Ciné Télé Revue, le 24 septembre 2015
STROMAE MET L’AMERIQUE A GENOUX
Après l’annulation d’une dizaine de concerts et un été de repos forcé, le maestro belge revient pour une troisième tournée aux Etats-Unis, en seulement une année ! Plongée au cœur d’une ascension fulgurante, avant son concert du 1er octobre, au légendaire Madison Square Garden de New York.
DEPUIS LOS ANGELES DE NOTRE CORRESPONDANTE
Sa rentrée aux Etats-Unis est, simultanément, marquée par la sortie du clip Quand c’est, réalisé par Xavier Réyé. La vidéo dépeint la dévastation du cancer, dans une mise en scène maléfique, noire et blanche. Les fans et la critique s’exclament, une fois encore, au génie ! La vidéo a déjà attiré plus de 9 millions de vues, en moins d’une semaine.
Sur la toile encore, deux autres vidéos ont été lancées en septembre, en prévision de la tournée nord-américaine qui a débuté le 12, à Miami. Un nouveau coup de maître pour notre compatriote qui se met en scène, avec autodérision dans « Stromae takes America ». On peut notamment y découvrir Madonna qui s’y confie : « Nous avons parlé de travailler ensemble. »
L’HISTOIRE DE L’ASCENSION AMERICAINE
En juin 2014, Stromae explose l’écran sur le plateau du Late Night de NBC. Il vient d’entamer une campagne de séduction auprès de la presse américaine, suivie d’une série de concerts à l’automne. Les Etats-Unis découvrent alors, pour la première fois, celui que l’animateur de cette émission, Seth Meyers, présente comme «le phénomène mondial du hip-hop et de la dance music, tout droit venu de Belgique».
La porte de l’Amérique s’est ouverte, un peu plus tôt, grâce à Christian Bernhardt, vice-président de The Agency Group. Le businessman dévore l’album et accroche immédiatement. «J’ai directement pris contact avec Clémentine Bunel, sa productrice, en France.»
L’homme, qui gère une des agences de talents les plus renommées, décide d’organiser la tournée nord-américaine de la star belge, encore complètement méconnue aux States, à ce moment-là. De Boston à San Francisco, en passant par Chicago, Stromae aligne ses premières dates, une douzaine, devant un public majoritairement francophone.
Les expatriés se déplacent en nombre et soutiennent, avec ferveur, la révélation bruxelloise. Quelques fans américains de la première heure sont au rendez-vous et ne le lâcheront plus.
DES FANS INCONDITIONNELS
Cathy de Buffalo, suit depuis le début toutes les dates de la tournée. Au Madison Square Garden, elle assistera à son trente-sixième concert. Lors de cette nouvelle tournée, elle permet même aux fans de suivre le spectacle en streaming depuis chaque salle. Le chanteur l’a inspirée dans la réalisation d’un rêve: voyager. Stromae a également été un catalyseur pour Nyasa, jeune Japonaise installée à Los Angeles. Tel un mentor, il lui a permis de révéler son don de dessinatrice. «Avant, je griffonnais pour tuer le temps; aujourd’hui, je sors mes crayons et aquarelles avec une joie immense.» Cathy, Nyasa et plus de mille autres passionnés suivent régulièrement le torrent de documentation proposé par Stromae USA fans, «l’unique page Facebook américaine de soutien», précise avec entrain Paule-Sylvie Yonké, sa fondatrice. De l’autre côté du pays, dans le Colorado, Amy Van Vrancken, rédactrice en chef du site stromaeometre.com, n’hésitera à parcourir près de 3000 kilomètres pour assister, avec sa fille, au concert de son idole, dans la Big Apple. Depuis qu’elle l’a entendu en 2013 sur NRJ France, elle ne cesse de rendre son œuvre plus accessible aux anglophones.
UN RAYONNEMENT ORGANIQUE
Christian Bernhardt a tout de suite capté le potentiel de l’artiste. «J’avais la vision du succès relatif qu’il vit aujourd’hui et souhaite, à l’avenir, le mener vers une exposition grand public mais je ne pensais pas que ça irait si vite.» Depuis le début de l’aventure américaine, The Agency Group et l’équipe de Stromae ont appliqué une stratégie de rayonnement organique, sans plan marketing. «Nous voulions d’abord le faire découvrir à travers ses fans.»
Parmi une vingtaine de tourneurs, Elliott Lefko, vice-président de Golden Voice, promeut les concerts du Belge en Californie du Sud. Responsable du festival Coachella auquel le Maestro a participé en avril dernier, il explique: «Nous accueillons plus de 135 groupes et attirons 150 000 personnes sur deux week- ends. Nous avons les meilleurs artistes du monde, et Stromae en fait partie.» Et de s’enflammer lui aussi sur son immense talent: «Nous avons tout de suite accepté de collaborer à sa percée américaine : il va continuer à grandir et devenir de plus en plus populaire. »
STROMAE EN PROF DE FRANÇAIS
«Si ma prof n’était pas aussi obsédée par lui, le cours ne serait pas très amusant», confie Charlie Weiss, élève à la Canada High School. Merissa Sadler enseigne dans cette école secondaire, près de Pasadena: «Je suis un peu folle, je fais rigoler mes élèves avec des mises en scène sur Stromae. Il a ouvert ma classe sur un autre monde et rendu mes cours plus excitants grâce à ses paroles profondes et pertinentes. Le plus difficile, c’est toujours d’intéresser les élèves.» Pour Fadhima Thiam, mère d’Aïda, 13 ans, les chansons renferment des messages qui donnent à penser. Sa fille a appris Papaoutai dans son école de New York. «J’adore cette chanson à propos de son papa. Les paroles sont fortes. Il est brillant et très inspirant! Plus au nord, dans le Minnesota, Kendra Waldauer donne des cours de français aux étudiants débutants à la Richfield High School.
«C’est un maître de la langue française. Un artiste doué, vraiment pas comme les autres. Avec Ta fête, nous avons étudié le futur proche; avec Formidable, l’imparfait. Stromae fait tout le travail pour moi!»
LES JOURNALISTES SÉDUITS
La journaliste Salima Koroma n’hésite pas à le qualifier de génie. Elle a réalisé une vidéo pour le site du Time Magazine. Avant le tournage, Paul s’est excusé de son faible niveau en anglais. « Je l’ai trouvé très courageux de s’exposer ainsi, avec humilité et authenticité. Il est magnifique, vraiment sympa et comique. Comme un enfant, taquin. » Guy Trebay a aussi interviewé le phénomène belge, pour le New York Times. «Je l’ai connu avec Tous les mêmes. J’ai été fasciné par l’ambiguïté des genres, mais surtout par l’excentricité frappante de ses mouvements: une fusion entre Thriller et une danse apache. » Au Rolling Stone Magazine, Brittany Spanos exprime le même emballement: «Il est entraînant et universel. On se connecte à lui émotionnellement, c’est facile de s’identifier.» Pour la journaliste new-yorkaise, Stromae va poursuivre son ascension et remplira bientôt des stades.
Christian Bernhardt ne s’est pas trompé. «Ma plus grande joie, avoue-t-il, est de créer quelque chose d’unique avec cet artiste venu de Belgique et chantant en français. Lorsque nous avons commencé notre collaboration, des personnes du milieu ne pensaient pas que ça pouvait marcher, à cause de la différence de langue. Je l’encourage à continuer en français et à rester authentique, parce que ça a toujours fonctionné pour lui ainsi!»
Sophie Radermecker
Traduction de cet article par Amy Van Vrancken dans stromaeometre.com :
http://stromaeometre.com/stromae-blows-america-away-translation-cine-tele-revue-cover/