Paru le 10 novembre 2014 dans LE SOIR.
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Arno en Californie, quel bazar !
- Par Magisophienne.
- Correspondante à Los Angeles.
Un mois après le succès de Stromae aux Etats-Unis, c’était au tour d’Arno de proposer trois dates américaines. Première étape : Los Angeles. Ce samedi, l’Ostendais a déposé ses bottes de cuir noir sur la scène du Lyric Theater.
Qu’ont en commun Arno et Stromae ? A l’unanimité, les mots fusent : le surréalisme, l’authenticité et un sens aigu de l’observation de la machine humaine.
D’entrée, la comparaison s’arrête là : ici, la salle accueille une petite centaine de personnes, la couverture presse passe inaperçue, les radios ne diffusent pas les titres éclectiques et les Américains ne connaissent pas le chanteur.
Ce sera intime. On est à la maison, entre Flamands, quelques égarés américains invités et une poignée de francophones. Mais Putain ! Putain ! C’est vachement bien ! C’est presque en famille qu’on s’attroupe debout autour de la miniscène pour un stoemp musical en trois langues.
Ligne de basse appuyée ; ça commence avec We want more : c’est sûr, on aura deux heures intenses d’un éventail de ses meilleurs titres, avec seulement trois morceaux de son dernier album Future Vintage.
Naturel, sans réserve, le bad boy au cœur tendre touche instantanément. Le public averti écoute attentivement, presque religieusement. Déconcertant, drôle, l’artiste décalé se révèle ici aussi un personnage hors du commun, un créateur. Une vraie folie qui embrase ou émeut : balancier entre tapis de cordes, textures électro saturées et surprenante boucle électro avec Oh La La. Son ingéniosité naturelle crée une véritable communion ; debout en tenant fermement le micro, vacillant, il entonne Les yeux de ma mère. Ce sont ceux de l’assemblée qui se mouillent ; Stéphane, originaire de Dunkerque, confiera à la sortie : « J’ai encore une fois pleuré ! »
Emotional, même en anglais, les mots et l’interprétation de l’« Higelin belge » crève le cœur d’un sourire ou d’une larme. It’s beyond any language ! dira Jackie, d’origine jamaïcaine. Possédé, les yeux fermés, Arno vit et transcende des messages sur l’absurdité de la vie. On veut le prendre dans les bras pour le consoler lorsqu’il sanglote sur Voir un ami pleurer et crier aussi fort que lui quand il s’égosille en interprétant Vive ma liberté.
Soudain, silence général instinctif. L’homme en noir s’assoit. « Je veux chanter une chanson pour ma grand-mère. She was a woman with balls » et d’hurler : Lola.
Jet de lumière sur le petit-fils attendrissant. Intimité minimaliste. Le monde a disparu, il n’y a plus qu’un homme seul sur scène… Lola est une diva…
Putain ! Putain ! Ca sent la fin. Le public, totalement lâché, chante le refrain de bon cœur : Nous sommes tous des Européens ! Joyeuse atmosphère. Les filles du bord de mer emballent l’assistance pour un tangage final.
Arno n’a certes pas conquis l’Amérique, comme son pote Stromae. Le branleur s’en fiche ! Son public aussi. Il n’est pas venu pour cela. A 65 ans, l’artiste le plus à l’ouest avait déjà tout gagné avant d’atterrir à Hollywood. Stade ou living, ballade mélancolique ou rock anglais teigneux, sons affectueux ou crus… L’alternance magique enchante les Européens et Américains. Il leur a tout donné. Sur le trottoir de La Brea Avenue, les mines sont réjouies : « timeless, surprenant, fantastisch ! »
On se serait cru sur la rue Antoine Dansaert, devant l’Archiduc. We want more. Prochain bazar à Miami, ce mardi et à New York, ce jeudi !