Il ne se regarde plus dans le miroir pour trouver ses réponses, il regarde la télévision.
Les médias et les gouvernements nous maintiennent dans un climat de peur, pire, de danger permanent dont le voisin serait la cause. Le fléau ? Pas tant la récession imposée que l’ignorance des plus faibles dont abusent les pouvoirs.
Et les démunis se comptent par millions, mais pas seulement au fin fond de l’Afrique. Ils ne meurent pas de faim: ce sont ma famille, mes amis, mes voisins et l’Autre tout à côté, le privilégié, qui ne le sait pas ou plus.
Des populations entières, mal informées, s’engloutissent dans une réalité angoissante. Biaisées, les informations relatées ! Un seul angle, une interprétation unique. Les mêmes images sensationnelles en boucle. A qui profite l’éclaboussement décervelé ?
Complices dans un système bien ancré, une ribambelle de piètres journalistes braque sans cesse les projecteurs sur ce qui ne fonctionne pas. Le citoyen ne sait plus qu’il a le droit de se positionner et le devoir de faire des choix. Il accepte… bien souvent en se plaignant, mais, au final, il acquiescera. On s’habitue à tout, pas vrai ? Nos yeux finissent par accepter les horribles images imposées. C’est au bout du monde, loin de chez nous. Parfois, derrière le coin : un voisin tué par deux balles dans la tête.
Interview en gros plan devant le lieu du crime. C’était un père de famille sans histoire, je ne comprends pas. Il disait toujours gentiment « Bonjour ! » Incroyable… et on n’a rien entendu. Plan serré sur les traces de sang.
D’ici quelques jours, l’émoi passé d’avoir témoigné devant la caméra, on passera à autre chose. Les morts ne sont plus là. On acceptera.
La masse est manipulée et je ne ferai pas partie de la majorité silencieuse, celle des fantômes d’un monde sans fond.
Mes retours au calme, moments privilégiés, consentent une introspection extraite du vacarme du monde. Suis-je révoltée par l’ignorance de l’individu lambda ou par la manipulation qui le victimise ?
Je suis triste pour ce voisin qui souffre sans comprendre et qui, parallèlement, jongle, maladroitement, avec son masque des apparences.
Il ne se regarde plus dans le miroir pour trouver ses réponses, il regarde la télévision.
Au fil du temps, le costume virtuel lui va à ravir et l’imposture se révèle de bonne foi, comme innée. Il n’a plus conscience qu’il est déguisé, si habitué au rythme du carnaval permanent. L’habit du fourbe lui colle désormais à la peau.
Il ignore qu’il est le jouet, non pas d ’un Grand Architecte dans l’Univers mais du Pouvoir qui nous gouverne, celui qui se prend pour Dieu. Le politique banal n’a pas de vision, que des ambitions ! Il parle haut et fort. Avec passion. Oui ! il croit ce qu’il dit, pire que celui qui ment. Il critique l’Autre, celui du clan adverse. C’est sa faute ! Subtile pirouette, pour éviter de défendre son propre programme, vide. Il a le talent admirable de répondre à toutes les questions : il parle des heures pour ne rien dire. Fascinant, cette capacité exemplaire à toujours trouver la parade : Halloween, toute l’année ! Déguisé et sérieux ; il nous ennuie, grimé, il se parodie. A se tordre de rire, si notre avenir n’était pas lié à son jeu de faux jeton !
Capricieux, le politicard détruit ses joujoux, les résolutions prises par les législations antérieures. « On efface tout et on recommence. » Rien ne se construit. Il casse, il taxe…même l’Autre, d’incapacité. Hystérique, il pique des crises et, enfin, il récupère le Pouvoir, après des années dans l’Opposition. Le voilà propulsé Grand Manitou :il peut gaspiller toutes ses cartouches au profit de son ego surdimensionné et affamé. Je suis le maître du monde. Pan ! Pan ! Il mène des guéguerres de partis sur le compte de mon voisin, qui préfère rester devant la télé plutôt que d’aller voter.
A quoi ça sert ? Le gars d’en bas choisit la récré. Tout est truqué. Il n’a pas vraiment tort. « On est gouvernés par des cons », disait ma grand-mère. Sûrement pas tous. Je tempère. Finalement, vaut peut-être mieux écouter l’arrogant BHL. Ce sont les philosophes et les artistes qui sauveront le monde, pas les pantins assoiffés de puissance.
Qu’ils sont grotesques, dans leur hémicycle ! L’expression « se prendre au sérieux » prend tout son sens : « Avoir une trop haute opinion de soi-même »,« péter plus haut que son cul ».
Le mythe tombe, il pète aussi, le politique… et ça pue !
Il faudrait que la proie facile lâche la télécommande. Le voisin quitterait-il la scène du crime des NCIS pour en apprendre plus ?
Il apprécierait peut-être de tapoter, sur sa tablette, le mot « manipulation ».
En une fraction de seconde, apparaîtraient les dix stratégies de manipulation expliquées très simplement. Si le citoyen-qui-ne-sait-pas persévérait, juste pendant les interminables tunnels publicitaires, il apprendrait, en quelques minutes, comment il se fait berner… mais il va, d’abord, se laisser distraire.
Stratégie très au point : l’attention du peuple est savamment détournée des problèmes majeurs. On le bombarde d’informations insignifiantes qui l’empêchent de s’intéresser à l’essentiel.
Il lirait en mâchouillant ses chips, garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser, de retour à la ferme avec les autres animaux.
– Non, pas la Ferme-Célébrités. Tu vois, tu as été distrait ! Avale et lave tes mains, avant d’en mettre partout !
Le citoyen-qui ne-sait-pas se révèle aussi crédule qu’un enfant car on s’adresse à lui soit avec des discours pour gosses soit, version améliorée, comme s’il souffrait de débilité mentale.
En effet, si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de douze ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celle d’une personne de douze ans.3
– « Enfantin, le plan Marketing ! »
Le citoyen-qui ne-sait-pas ne se rend pas compte que des problèmes lui sont créés pour que le pouvoir en place puisse lui offrir des solutions. Il croit ainsi être le demandeur de mesures qu’on souhaite lui faire accepter. Astucieux, non ?
Les escrocs vont plus loin (trop fort !) lorsqu’ils utilisent la stratégie de dégradation. Je l’aime beaucoup, celle-là. Ils vont arriver à nous faire adhérer à l’inacceptable à travers une mesure progressive. Sur une durée de dix ans, par exemple, un changement qui provoquerait une révolution, s’il était appliqué immédiatement, passera inaperçu.
Les stratèges jouent aussi sur nos émotions, une technique efficace pour nous empêcher de réfléchir. Ils court-circuitent immédiatement notre analyse rationnelle, autrement dit, notre sens critique. « Bien joué ! » En même temps, ils parviennent à accéder à notre inconscient, y suscitant idées, désirs et comportements opportuns… pour eux.
Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise, l’encourager à se complaire dans la médiocrité figurent aussi au programme de la manipulation orchestrée.
Le plus pervers : le Pouvoir culpabilisateur. Très subtilement, ou peut-être diaboliquement, il nous fait croire que nous sommes responsables de notre propre malheur. Instinctivement, j’agrée. « Juste ! »
Mais ici, la révolte est remplacée par notre « mea culpa ». C’est notre faute : nous ne sommes pas assez intelligents. Nous n’avons pas les capacités. Nous ne faisons pas l’effort.
Résultat attendu : au lieu de se révolter contre le système, le citoyen-qui ne-sait-pas se dévalue et s’autoflagelle.
Il déprime et dépense des fortunes en antidépresseurs qui gonflent les caisses des lobbies pharmaceutiques. Par le plus grand des hasards, l’effet le plus dévastateur entraîne l’inhibition.
Sans action, pas de révolution ! Cela m’aura pris sept minutes pour en apprendre davantage sur l’influence inconsciente que nous subissons chaque jour, mitraillés par des milliers d’informations. Et une fraction de seconde pour me souvenir de Stéphane Hessel, le plus révolté de nos humanistes. « Indignez-vous, bordel ! »
Après, ce que le voisin en fait, autre histoire, celle de la condition humaine. L’homme sait et il est. Etre à part et supérieur, son humanité se quête dans ce qui le différencie des choses et des animaux. Cause toujours ! Tu ne m’intéresses plus. L’écervelée s’exclame : « Tu imagines, plus d’un million de followers ! C’est dingue, on est vraiment tous connectés. Même Rihanna et Lady Gaga ont un compte ! Alors, tu penses ! »
– Oui, pense, justement ! Sais-tu comment ?
« Trop con, les moutons ! » J’ose espérer que le citoyen-qui ne-sait-pas se sera informé. Il lui aura fallu beaucoup de courage pour quitter des yeux l’émission-qui-n’-apprend-rien-mais-qui-rassure.
Combien de programmes y-a-plus-con-que-moi dupliqués des Etats-Unis fleurissent-ils sur toutes les chaînes du petit écran ?
Jill, productrice de shows télé à Los Angeles, douée pour pitcher des idées de programmes, s’exprime très clairement :
“Il existe deux règles d’or pour que le projet ait toutes les chances d’être sélectionné et diffusé : ce sera celui grâce auquel le téléspectateur se dira : Oh ! mon Dieu, heureusement que ce n’est pas moi ! Ou celui qui lui fera s’exclamer : Oh ! mon Dieu, malheureusement, ce ne sera jamais moi !”
Eloquent! Comment être élevé par la télé, tout un programme apparemment.
Aucun producteur ne se demande si le public aurait envie de penser : “Oui, moi aussi, je peux le faire”. Apparemment, l’idée ne rapporterait pas suffisamment dans les caisses hollywoodiennes.
Soit on contemple le piédestal et on admire sans l’espoir de l’atteindre, soit on toise le trou et on se réjouit de ne pas y croupir.
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Implacable démonstration des errances de notre société en déclin…
Je partage ton constat.
Même si je pense que l’esprit d’entreprise, qui a pu certes être une bonne chose, dans les années passées, a dérivé pour arriver aux excès que l’on sait et doit nécessairement être abandonné. Le mythe de la croissance a fait long feu.
Le monde de demain (ou d’après demain, sans doute) devra être plus équitable et plus solidaire, et évidemment conscient de l’importance de préserver notre cadre de vie cosmique: la Terre. Il n’y a pas de plan B.
J’adhère à cette nouvelle ère, chère Célestine ! Et je ne crois plus au système en place, alors oeuvrons pour ce monde que nous souhaitons. Implacable démonstration des errances de notre société en déclin, avançons !