Je vous emmerde, chère Madame.
Je vous emmerde, cher Monsieur.
L’élégance des mots peut-elle s’exprimer avec vulgarité ? J’en ai bien l’envie. La vulgarité gratuite m’exaspère.
Mais un mot dépourvu de beauté placé au gré d’une émotion me sied.
Une fois, rien qu’une fois.
On a beau être gentil, on a beau être honnête, on a beau être empli de compassion, on a beau être à l’écoute, on a beau être authentique, on a beau donner son amour, on a beau exprimer ce qu’on ressent et ce dont on a besoin… On a beau… Il y aura toujours un con pour vous emmerder !
Et ce con, aujourd’hui, il m’emmerde vraiment.
Demain, j’aurai, à nouveau, de la compassion pour lui.
Mais on ne peut pas toujours gratifier ceux qui nous emmerdent uniquement de beaux mots et de belles intentions sous prétexte d’être une « bonne » personne.
Alors, juste pour aujourd’hui.
Je vous emmerde, chère Madame.
Je vous emmerde, cher Monsieur.
En anglais, ça donne « Fuck you ! ».
C’est moins joli.
L’expression « Je vous emmerde » revêt une sorte de grandiloquence arrogante.
J’aime bien.
Je veille toujours à exprimer mes émotions le plus authentiquement et généreusement possible, persuadée que le miroitement autorise chacun à en faire de même. Plus j’avance, plus je marque qui je suis réellement, plus je m’expose, plus j’attire un grand nombre d’alliés. C’est très gratifiant et réconfortant.
Mais parallèlement, j’agace et exaspère une autre tranche du peuple. C’est à eux que s’adresse mon tonitruant « Je vous emmerde ».
Un sage m’a dit, un jour : « Ne laisse personne ternir la perle que tu es ». Je l’oublie encore parfois. Personne ! Et surtout pas mon entourage proche.
Le plus dur, ce sont les cons qui nous sont proches. Ces cons qu’on aime, en plus. Ces cons-là sont insupportables. Alors juste pour aujourd’hui, je les emmerde. Et ça fait un bien fou !
Personne ne ternira la perle que je suis !
En fait, je suis plus en colère contre moi-même que contre le con.
Il a l’excuse d’être con, lui !
Moi, je prétends ne pas être conne.
Quelle arrogante !
J’ai accepté parce que j’aimais.
J’ai accepté qu’on me critique, j’ai accepté qu’on me rabaisse, j’ai accepté qu’on me rabroue, j’ai accepté qu’on veuille me changer, j’ai accepté qu’on me parle mal, j’ai accepté que ces cons me jugent. Je les ai écoutés sous prétexte d’une relation amicale, familiale ou amoureuse. Je les ai même crus. Ces cons qui savaient mieux que moi pour moi.
J’ai tout accepté pour être aimée. A me remettre sans cesse en question. A vouloir changer qui je suis fondamentalement.
Mais pourquoi voudrais-je être aimée par un con ?
Ne m’aimé-je pas assez que je doive mendier l’amour de tous ?
Plaire à tout le monde, c’est plaire à n’importe qui, disait Sacha Guitry.
Je vous emmerde, chère Madame.
Je vous emmerde, cher Monsieur.
Passez votre chemin si ma lumière vous éblouit et réfléchissez à ce que ma réflexion vous apprend sur vous, au lieu de me stigmatiser de vos propres insécurités.
Je passe le mien, et ne chercherai plus à être aimée par ceux qui n’apprécient pas qui je suis.
Personne ne ternira la perle que je suis.
Je vous emmerde, juste aujourd’hui.
Je continuerai à vous aimer car je suis aussi une p’tite conne qui ne sait faire que ça.
Aimer, être aimée, et transmettre un peu de ce qu’on est.
La vie, ce n’est pas s’emmerder à autre chose avec les cons.
Je vous emmerde, chère Madame.
Je vous emmerde, cher Monsieur.
Mais je vous pardonne.
Car, chaque jour, j’essaie d’être moins conne.
Sophie Radermecker
Le 13 juillet 2017