Depuis les bas-fonds de l’existence
La langueur monotone résiste à la potence.
La seule envie qui subsiste encore
S’endormir hors du cruel décor
Partir ailleurs, mourir pour un temps
Oublier la douleur des morts-vivants.
Personne ne sait vraiment
La cause des tourments
De ce qui ronge à vif
Le quotidien du dépressif
Qui pleure à regrets
Sans pouvoir arrêter la roue du rejet.
Mon père souffrait du syndrome des angoissés
Invariable psychose cyclothymique des mal-aimés
Ma grand-mère, sa mère, en détresse, même cas
Tragique ironie, qui n’en connaît pas ?
Famille dysfonctionnelle
Hérédité factuelle
Voisine morne, ami flétri
Mari alcoolique, collègue meurtri.
Suis-je condamnée à pleurnicher
La mélancolie qui les a frappés.
Le gâchis sur ma naissance
A étouffé la grandiloquence
De ce que j’étais venue faire
Dans cette vie de misère.
Chercher à comprendre
Les lunatiques des cendres
Rien ne restera de leur souffle angoissé
Dans la destinée que je me suis tracée.
Pleurer à gorge pleine
De sentiments sans haine
Sans relâche, hurler à foison
Des cris de vie à l’unisson.
Exulter sans peine liée au passé
Et bouffer à pleine dents le chemin des initiés.
Dépression, je ne T’en veux pas
Mais tu ne m’atteindras
Jamais de tes flammes avariées
Trop en amour des âmes douées.
Dépression, à présent, va-T-en
Tu as assez empoisonné nos vies d’enfants.
Dépression, Tu n’es plus là pour ensanglanter
Le monde que trop souvent je t’ai laissé exterminer.
Dépression, je T’ai touchée à tâtons
Sans jamais voir ton misérable fond.
Sauvée par la lumière de mon cœur
À préserver les tristes rancœurs
D’où un jour on sort vivant et fier
Du carrousel des ténèbres bipolaires.
Rien ne restera de ton violent passage
Que le goût intellectuel des sages
Qui m’ont sauvée de ton pesant manteau
Toi, Traîtresse des morbides caveaux.
Toi, vile, qui happes sans émoi les plus fragiles
Adieu Dépression, je ne Te serai plus servile.
Il est temps de goûter, à nouveau, au bonheur ivre
De respirer à pleins poumons de vivre
La Providence espérée des électrons libres.
Sophie Radermecker
Le 9 septembre 2017